La relation entre l’homme et le vin ne se limite pas à la bouteille. Dès l’Antiquité, on façonne des objets dédiés au service et à la célébration du vin : coupes dionysiaques grecques, cruches étrusques, pichets gothiques. Ces accessoires, sculptés, décorés, émaillés, racontent une histoire aussi ancienne que le vin lui-même.
Derrière la fonction, le symbole : chaque objet vient illustrer le lien intime entre le vin, la fête et la façon dont une société rêve sa convivialité.
Lors des grandes célébrations, chaque détail compte. Un vin d’exception ? Il se doit d’être servi dans des verres dignes de lui : haut pied, finesse du cristal, parfois une gravure du millésime.
D’un point de vue anthropologique, l’ajout de tels objets scande la solennité de l’instant. Le simple geste de déboucher une bouteille avec un coupe-capsule raffiné, devant une assistance attentive, mime l’ouverture des réjouissances – la fête commence par ce petit cérémonial.
Il suffit d’observer la tendresse amusée avec laquelle on passe un tastevin de main en main lors d’un mariage en Bourgogne. Plus qu’un outil pour juger la robe du vin, le tastevin devient le “passeur” d’une tradition : son éclat réunit les regards, sa gravure éveille une mémoire familiale ou le souvenir d’une confrérie.
La symbolique patrimoniale s’exprime souvent dans la capacité des objets liés au vin à traverser les générations. Selon une enquête réalisée par le Comité National des Conseillers du Vin (CNCV), 58% des familles françaises possèdent au moins un accessoire de vin hérité :
Chacun garde la mémoire d’un ancêtre, d’une fête marquante, d’un domaine autrefois prospère. Ces objets, loin d’être statiques, se chargent des anecdotes familiales, des secrets de vendanges, de la malice des enfants à venir “goûter” sous la table.
Les rites, par définition, se transmettent. Les objets les maintiennent vivants.
Là où le vin se partage, l’objet devient le catalyseur d’une mémoire qui ne s’éteint pas.
Les objets liés au vin constituent aussi une cartographie poétique de la France et du monde viticole. Chaque terroir imprime une marque sur ses objets :
La symbolique décorative atteint son apogée quand les objets se parent des blasons, des initiales, des armoiries de domaine.
Ainsi l’objet décoratif se fait ambassadeur silencieux de l’identité d’un territoire, d’un art de vivre, d’un savoir-faire ancestral.
Depuis le début du XXIe siècle, la scène design française et internationale s’est emparée de l’accessoire œnologique, renouant avec la tradition du bel objet tout en injectant de la créativité.
Côté chiffres, selon la Fédération Française des Arts de la Table (FFAT), le marché des arts de la table œnologiques et décoratifs, en France, a doublé en dix ans (2010-2020) pour atteindre près de 330 millions d’euros annuels.
L’objet décoratif, dès lors, navigue entre respect du geste ancien et éclat contemporain – invitation constante à réinventer la fête.
Du tastevin porté de génération en génération à la carafe design qui intrigue et suscite la conversation, les objets décoratifs liés au vin incarnent cet art subtil de la fête : une fête qui ne se contente pas d’animer le présent, mais façonne, par strates d’habitude et d’émotions, un patrimoine sensible. Entre outil et emblème, médiateur et mémoire, ils invitent à savourer autrement les rites, à reconnaître la beauté insignifiante d’un simple bouchon ouvragé, à tresser dans la même coupe l’histoire, la famille et la culture.
À l’heure où la mondialisation standardise le geste, ces objets rappellent la vitalité de la diversité créative, la richesse des traditions, la formidable capacité du vin à fédérer – en célébration et en héritage. Et si, la prochaine fois qu’un accessoire attire l’œil sur la table, on prenait le temps de l’écouter raconter son histoire ?