L’apparition du verre individuel : séparer, révéler
Nous prenons aujourd’hui comme une évidence le fait de porter son verre à ses lèvres, mais l’individualisation de la coupe est un phénomène relativement récent à l’échelle de l’histoire du vin. Antérieurement – des banquets antiques jusqu’au Moyen Âge – on boit souvent dans une coupe ou une corne collective que l’on se passe de main en main. Le XVI siècle marque un basculement : la verrerie de Murano perfectionne le cristallo, léger, transparent, qui magnifie la couleur du vin (Vivino).
À la cour de Louis XIV, l’apparition des verres à pied, puis leur production en série par les verreries royales, permettent une démocratisation progressive. Désormais, on observe les reflets d’un Bordeaux à travers la tulipe de verre, on apprécie les bulles d’un Champagne dans une flûte… Ce simple objet individualise le geste, multiplie les rituels et pose un nouveau code : l’attention portée à la robe et à l’arôme, la délicatesse du service, la distinction de chaque invité.
- Le verre à vin soufflé bouche : invention attribuée au XVe siècle à Venise.
- Évolution du calice : du Moyen Âge à la Renaissance, la coupe s’allonge, s’affine, et se dote d’un pied pour éviter le réchauffement par la main.
- La flute à champagne : adoptée dès le XVIIIe siècle (avant, la coupe plate dominait).
Ce bouleversement silencieux modifie intimement la dégustation : voir, humer, faire tourner, tout devient plus personnel – et plus sensoriel.