Entre magie et perte du geste : Le débat du sensible
Il serait tentant de voir dans ce progrès un abandon du charme de l’“ancien geste”. Dans les dégustations professionnelles, certains sommeliers regrettent la disparition de la tension du liège qui cède, du coup de poignet habile, du silence complice entre la main et la matière. Le tire-bouchon électrique uniformise, robotise, oseraient-ils dire, une part du rituel.
Pourtant, de nombreux amateurs s’accordent à y trouver une forme de “magie domestique”, une allégorie douce du progrès qui, loin d’effacer la tradition, s’y superpose et l’enrichit. Loin de l’image du gadget, les tire-bouchons nouvelle génération trouvent leur place dans les caves modernes, les restaurants étoilés, jusqu’aux dégustations collectives où l’accessibilité devient une affaire de partage.
L’anthropologue Rachel Black (“Portals to the Past: Wine, Ritual, and the Everyday”, 2021) y voit même une adaptation culturelle semblable à celle vécue par l’apparition du verre à pied ou du carafon aéré : chaque innovation, parfois incomprise à son époque, finit par tisser sa propre poésie, imprégnant le geste de nouvelles intentions.