L’étrange genèse : l’enfance du tire-bouchon
Avant d’être exhibé fièrement sur la nappe ou dans l’écrin d’un sommelier, le tire-bouchon fut une chimère d’acier au destin aussi incertain qu’espiègle. L’invention de ce modeste instrument est, à bien des égards, le fruit d’un heureux croisement entre la bouteille de verre et le génie mécanique des hommes du XVII siècle. Mais il faut, pour comprendre sa naissance, revisiter l’Europe baroque, les caves aristocratiques et… les rangs de la milice !
Car le premier “tire-bouchon” n’avait pas pour vocation d’accéder au fruit, mais de réparer les armes. Il descend très précisément du “worm”, la vis sans fin des soldats anglais, destinée à extraire les balles coincées dans le canon de leurs mousquets (The Corkscrew Museum). Ces artisans de l’acier, rêvant d’un esprit pratique, eurent tôt fait d’imaginer la même spirale introduite dans le liège, matériau qui venait, lui aussi, d’entrer en scène.
Le liège, en effet, remplaça les tissus ou le bois pour boucher les bouteilles de vin, dès la fin du XVII siècle. Dès que la bouteille de verre put supporter la pression, le bouchon fidèle s’installa. Mais comment le retirer, sans éclats ni débris ? Le tire-bouchon, outil caméléon, fut la réponse.