Un objet de passage — entre tradition et mutation
D’un simple récipient fonctionnel à une figure incontournable de la table moderne, la carafe à vin a su s’imposer dans le paysage œnologique comme dans l’imaginaire collectif. Si ses formes oscillent entre la rigueur de l’outre antique et l’audace sculpturale des créateurs de notre temps, son histoire, elle, traverse plus de deux millénaires. Les archéologues retrouvent ses traces dans la Grèce ancienne, où les « kraters » accueillaient le vin destiné au banquet, puis dans les amphores romaines, sources de convivialité (Musée du vin de Paris).
Mais c’est au XVIII siècle, avec le triomphe du verre soufflé et l’émergence des caves privées, que la carafe telle qu’on la connaît fait réellement son apparition. La bouteille de vin devient alors standardisée (quand la loi de 1866 impose la bouteille bordelaise de 75cl), mais la carafe, elle, reste dédiée à l’art du service, détachée du lieu de stockage. Ainsi, dès ses origines, cet objet occupe une place de l’entre-deux : à l’interface du vin figé et du vin vivant, du cellier à la cérémonie joyeuse du repas.